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31 août 2023 4 31 /08 /août /2023 08:59

 

Le 30 août 2023 un groupe d'officiers de l'armée gabonaise a mis fin au règne d'Ali Bongo :"une gouvernance irresponsable, imprévisible qui se traduit par une dégradation continue de la cohésion sociale risquant de conduire le pays au chaos (…) nous avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place" disait le communiqué du Comité de transition et de restauration des institutions (1).

Mais pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui au Gabon, il faut évoquer même rapidement la dictature de la dynastie Bongo.

Omar Bongo, installé au pouvoir par la France en décembre 1967, savait organiser le pillage des richesses de son propre pays au profit des multinationales françaises comme Eramet, TotalEnergies, Air Liquide, Air France, Areva, Axa ou encore, le groupe Bolloré par exemple. Il résumait à lui seul le comportement de l'impérialisme français en Afrique. Après son décès en 2009 et 42 ans de règne sans partage, son fils lui succède. Il fallait, vaille que vaille, qu'Ali Bongo soit président à vie de la "république" du Gabon comme son père, même s’il est rejeté massivement par la population. Peu importe ! Ce qui compte, c'est que les richesses comme le bois, le manganèse ou le pétrole gabonais restent concentrées entre les mains des actionnaires des grandes entreprises françaises avides de profit. Ali Bongo, le fils à papa, est l’incarnation vivante de cette continuité. Une dynastie au cœur de la République! Le saccage de cette terre africaine doit se perpétuer éternellement. Guerres, pillages, misère, corruption (2) etc. ont laissé les populations, à l’instar d’un grand blessé, exsangues. Les artères de l’Afrique sont ouvertes. La bourgeoisie locale et la bourgeoisie française, tels des vampires, pompent son sang comme Total pompe le pétrole gabonais.

 

Le 16 juin 2009 aux obsèques d'Omar Bongo, qui a ruiné son pays et son peuple, Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac, anciens présidents de la République, ont été hués par la population gabonaise. Car elle sait que la politique de ces deux hommes et celle de tous les présidents français depuis qu' Omar Bongo est au pouvoir et même avant sont largement sources de sa misère alors que le pays regorge de richesses: "La France est ingrate. Bois, pétrole, manganèse, on vous a tout donné» scandaient les gabonais ou encore "On ne veut plus de vous, partez!". Les grands médias français, s'ils ont évoqué cette visite, ont été très discrets sur l'hostilité de la population à l'égard de Sarkozy et de Chirac complices de cette dictature. Sarkozy et Chirac ne représentaient pas la France à l'enterrement du dictateur, mais la bourgeoisie française. Le journal Le Monde du 16 juin 2009 décrivait ainsi l'hommage rendu par les patrons français à Omar Bongo : «des centaines de couronnes mortuaires sont empilées sous des tentes face à l'océan. Axa, Bolloré ou Air France y adressent leurs condoléances et leurs «regrets éternels». L'une d'elles a été déposée par l'ancien patron d'Elf, Loïk Le Floch-Prigent en personne au nom de sa société pétrolière Pilatus Group".

Il appartient maintenant au peuple gabonais et à lui seul de transformer cette révolution de palais en révolution véritablement populaire. Il est grand temps que les peuples africains se débarrassent de leurs dictateurs et de leurs protecteurs néocolonialistes.

 

Mohamed Belaali

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(1)https://fr.euronews.com/2023/08/30/coup-detat-militaire-au-gabon-ce-que-lon-sait

(2)https://www.liberation.fr/international/afrique/gabon-les-luxueuses-adresses-mal-acquises-du-clan-bongo-a-paris-20230830_TADQFR4UH5HSDFOMILQVRPFV5M/

 

 

 

 

 

 

 

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3 août 2023 4 03 /08 /août /2023 06:27

 

La négation de la lutte des classes ou tout du moins sa marginalisation dans le discours dominant correspond à cette volonté de la classe dirigeante de tromper et de démoraliser les masses populaires pour mieux les asservir. Dans les productions intellectuelles, médiatiques, artistiques et politiques, la lutte des classes est présentée comme une notion surannée appartenant à une société révolue. La bourgeoisie a réussi à faire croire, notamment à ceux qui ont objectivement intérêt à révolutionner leurs conditions d'existence, que la lutte des classes est un anachronisme, que la " fin de l'Histoire" est une réalité des temps modernes. Le capitalisme reste donc l'unique et l'ultime horizon des hommes. Pourtant, malgré sa puissance sociale, l'idéologie de la classe dominante est contredite chaque jour par la réalité. La lutte des classes, sous ses différentes formes, fait rage partout à travers le monde. Elle n’épargne ni le Nord ni le Sud, ni l'Est ni l'Ouest.

En France, la lutte des classes s'est accélérée avec l'arrivée de Macron au pouvoir. Les attaques contre les droits des travailleurs, les services publics, la Sécurité sociale etc., sont devenues permanentes. Les prérogatives des patrons ont été renforcées et les conditions d'exploitation du travail facilitées. Les exigences de la bourgeoisie en matière économique et sociale sont satisfaites avec un zèle rare : destruction du code du travail, précarisation et flexibilisation de l'emploi, démantèlement du service et de la fonction publique, suppression des contrats aidés, diminution des indemnités chômage, suppression de l'impôt sur la fortune (ISF), prélèvement forfaitaire unique (PFU) plafonné à 30 % sur les revenus du capital, baisse de l'impôt sur les bénéfices des sociétés etc. etc. En même temps, la politique d'austérité a été renforcée : réduction drastique des dépenses de la Sécurité sociale, de l’Éducation, de la Santé, des transports, du logement public etc. L'austérité, faut-il le rappeler, n'est qu'un paravent derrière lequel se cachent les intérêts de la classe dominante. La bourgeoisie est aux anges. Aucun autre président ne l'a comblée autant que Macron. Ni Chirac, ni Sarkozy, ni Hollande n'ont mené une politique aussi brutale et aussi rapide contre le peuple et pour la minorité des puissants.

C'est dans ce cadre général qu'il faut situer le mouvement des Gilets jaunes qui constitue au fond une révolte contre cette politique ultra-libérale imposée par une minorité d'exploiteurs à l'immense majorité de la population. Aucun mouvement dans l'histoire récente de la France n'avait mobilisé autant d'hommes et de femmes sur une aussi longue période contre la classe dirigeante notamment son représentant Emmanuel Macron. Sa radicalité n' est que le corollaire de la brutalité des politiques économiques et sociales menées par l'une des plus féroces bourgeoisies au monde. Les Gilets jaunes ont compris que derrière cette injustice et cette dégradation générale des conditions de vie que subissent les classes populaires, se cache la classe des oppresseurs qui a hissé brutalement Macron à la tête de l'Etat. "Macron, robin des rois", "président des riches" ou encore "Rends l’ISF d’abord !"clamaient les Gilets jaunes. Leur combat n'est pas seulement pour améliorer momentanément les conditions d’existence des travailleurs, des salariés, bref de tous les exploités pour rendre la société capitaliste supportable, mais de lutter pour une nouvelle société : "Conscients que nous avons à combattre un système global, nous considérons qu'il faudra sortir du capitalisme" (1).

Effrayée par la détermination de ce mouvement populaire et par sa farouche volonté de ne plus s'inscrire dans le jeu du pouvoir, la classe dirigeante n'a pas hésité à mener une véritable guerre contre les Gilets jaunes. Même l'armée a été appelée à la rescousse. Car lorsque le conflit s'aiguise, la classe dominante n'a d'autres choix que d'utiliser la violence pour perpétuer sa domination. Et plus la lutte perdure et prend de l'ampleur, plus la répression devient intense et brutale : rien de plus normal dans une société fondée sur la lutte des classes.

Les mobilisations massives contre la "réforme" des retraites ne sont en fait que le prolongement du combat des Gilets jaunes dont les slogans et les chants ont été d'ailleurs repris massivement par les manifestants. Le 19 janvier 2023 plusieurs centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre le report de l'âge de la retraite à 64 ans. Toutes les villes de France, petites et grandes, sont touchées par ce mouvement populaire. Malgré la propagande, le mensonge et la répression, la population reste déterminée à lutter contre la politique de Macron, représentant zélé de la classe dominante. Même les directions syndicales, moins radicales que leurs bases, ont été surprises par la vitalité du mouvement.

Il s'agit d'une opposition de masse qui dépasse le cadre corporatiste et étroit des retraites même si les revendications restaient essentiellement économiques. Il faut dire que cette réforme constitue une attaque frontale et d'ampleur contre le monde du travail.

Là encore comme avec le mouvement des Gilets jaunes, la répression est féroce : brutalités policières, utilisation des drones, gardes à vue abusives, interdictions des rassemblements, acharnement judiciaire et criminalisation des manifestants etc.

Pendant ce conflit ouvert contre la "réforme" des retraites, le mouvement écologiste ouvre un autre front à Sainte-Soline contre l'installation des méga-bassines conçues prioritairement pour servir les grandes exploitations agricoles. Une répression d'une rare violence s'est abattue sur des milliers de manifestants : des centaines de blessés dont plusieurs gravement et deux avec un pronostic vital engagé. Aujourd'hui encore beaucoup de ces manifestants gardent des séquelles physiques et psychologiques de cette terrible répression. La police a procédé en même temps aux marquages, aux perquisitions, à l'arrestation et à l'espionnage des militants écologistes traités de surcroît de "terroristes". Le 21 juin 2023, le pouvoir annonce la dissolution du collectif écologiste, le Soulèvement de la Terre. Dans cette guerre de classe, l'État bourgeois ne pouvait répondre que par des mesures guerrières !

Le 27 juin 2023, la France a été secouée par des révoltes violentes venues des quartiers populaires. Ce jour-là, Nahel, un jeune de 17 ans, a été abattu à bout portant par un policier. Ce crime ordinaire de l'Etat français vient ainsi allonger une liste d'assassinats déjà trop longue. Le meurtre de Nahel n'était en fait que l'étincelle qui a embrasé à nouveau les cités populaires, 18 ans après la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois en 2005. Paupérisés, marginalisés, méprisés et persécutés par une classe dirigeante arrogante, les jeunes des cités se révoltent à intervalles réguliers même s'ils savent qu'ils s'exposent à la prison, aux mutilations et à la mort. Leur rage et leur colère jaillissent, comme les flammes des voitures qu'ils brûlent, des conditions matérielles d'existence inhumaines. Leur révolte n'est pas dirigée uniquement contre les brutalités policières; elle embrasse l'ensemble des symboles et institutions de l'ordre bourgeois qui les opprime au quotidien à commencer par l'école. Celle-ci n'est que le reflet d'une société de classes. Le tri, le classement, la hiérarchisation et la sélection restent, pour l'essentiel, son mode de fonctionnement. L'école broie celles et ceux qui ne possèdent pas ou qui ne maîtrisent pas les codes culturels eux-mêmes déterminés par le milieu social malgré le courage et le dévouement de ses personnels qui travaillent dans des conditions difficiles. Ces humiliés ont montré à plusieurs reprises qu'ils sont capables de se mettre en colère, de se révolter et de se dresser contre un ordre injuste contrairement à un lumpenprolétariat qui se trouve souvent du côté de la classe dominante. Leur révolte est un acte social et politique dirigé contre un État policier qui opprime et punit les plus fragiles de la classe ouvrière.

Pour la classe dirigeante et ses médias, il ne s'agit que de "voyous", de "casseurs", de "bruleurs" de voitures, de bus, de bâtiments publics, de "voleurs" de magasins etc., organisés en bandes qui troublent l'ordre public et qu'il faut impitoyablement réprimer. Le pouvoir qui s'inquiète grandement des constructions, des bâtiments, "de la brique et du mortier" (2), n'a nullement le souci de la vie et de l'intégrité physique des révoltés. Rappelons que les Gilets jaunes, pour les délégitimer, ont subi eux aussi le même sort : une "foule haineuse", des "bœufs", des "casseurs", des "nervis", des "fascistes", des "antisémites" etc. Certains vont même jusqu'à appeler les forces de l'ordre et l'armée à se servir des armes :"qu’ils se servent de leurs armes une bonne fois ![…] On a la quatrième armée du monde, elle est capable de mettre fin à ces saloperies" (3)

La "racaille", comme disait Nicolas Sarkozy, va alors payer cher son audace et son insolence à vouloir secouer cet ordre qui l'humilie et la méprise en permanence. La police a procédé à des milliers d'interpellations et les tribunaux ont distribué des années de prison ferme (4). Il faut dire que le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, a intimé l'ordre aux procureurs généraux "de donner une réponse pénale rapide, ferme et systématique" à l'encontre des jeunes révoltés (5).

En 2005, pour mémoire, le gouvernement de l'époque a même proclamé l'état d'urgence et le couvre-feu qui l'accompagne; décision rare dans l'histoire récente de la France. En fouillant dans son passé, la République bourgeoise a trouvé une loi, celle de 1955, conçue pour imposer l'ordre colonial en Algérie. Cinquante ans après, elle l'exhume pour mater la révolte des enfants et des petits-enfants des travailleurs immigrés ! Aujourd'hui, la classe dirigeante a donné un blanc-seing à la police pour "restaurer l’ordre" contre des "hordes de sauvages" et des "nuisibles". La police est son bras armé sans lequel elle ne peut se maintenir longtemps au pouvoir. Aucun Etat même le plus démocratique ne peut se passer de la violence pour maintenir la majorité de la population dans la soumission. Cette violence est banalisée et légitimée par le discours médiatique et institutionnalisée à travers la police. C'est dans ce cadre qu'il faut comprendre ce renforcement extraordinaire de ses prérogatives et de ses pouvoirs.

L'un des mérites des révoltés des cités populaires et avant eux des Gilets jaunes, est d'avoir montré d'une manière éclatante que l'Etat de droit, la séparation des pouvoirs, la liberté de la presse, de manifestation, etc. ne sont en réalité que des contrevérités véhiculées par la classe dirigeante pour mieux justifier ses privilèges. La terrible répression qui s'est abattue sur eux comme sur les manifestants contre la réforme des retaites ou sur les contestataires des méga-bassines de Sainte-Soline est en soi une négation éloquente de cette démocratie des riches et une confirmation par et dans les faits de la dictature du capital.

La lutte des classes, sous une forme ou sous une autre, ouverte ou dissimulée, se poursuivra inéluctablement tant que les intérêts de classes restent inconciliables. L'entente des classes n'est qu'une chimère, une rêverie produite et entretenue par les classes exploiteuses.

 

Mohamed Belaali

 

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(1)https://www.giletsjaunes-coordination.fr/wp-content/uploads/2019/06/ada-appel-de-la-2e-assembleee-des-assembleees-des-gilets-Jaunes.pdf

(2)K Marx : "Le Paris ouvrier, en accomplissant son propre, son héroïque holocauste, a entraîné dans les flammes des immeubles et des monuments. Alors qu'ils mettent en pièces le corps vivant du prolétariat, ses maîtres ne doivent plus compter rentrer triomphalement dans les murs intacts de leurs demeures. Le gouvernement de Versailles crie : Incendiaires ! (...) La bourgeoisie du monde entier qui contemple complaisamment le massacre en masse après la bataille, est convulsée d'horreur devant la profanation de la brique et du mortier !" "Dans La guerre civile en France. Editions sociales, p.84.

(3)Luc ferry demande aux policiers de se servir de leurs armes contre "ces espèces de salopards d’extrême droite et extrême gauche" - Vidéo Dailymotion

(4)https://www.sudouest.fr/justice/bilan-des-emeutes-des-organisations-critiquent-l-indecence-d-eric-dupond-moretti-16006092.php

(5)https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=45455

 

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29 juin 2023 4 29 /06 /juin /2023 07:00

 

Un jeune homme de 17 ans a été abattu par un policier le 27 juin 2023 à Nanterre. Un autre jeune de 19 ans a été tué par un fonctionnaire de police à Saint-Yrieix (Charente) le 14 juin 2023 (1).

Malheureusement ces jeunes ne seront pas les dernières victimes de la police. De Zied et Bouna (17 et 15 ans) à Adama Traoré (24 ans) en passant par Malik Oussekine (22 ans) et Rémi Fraisse (21 ans), la liste de ces assassinats est trop longue. Les jeunes des cités populaires se révoltent à intervalles réguliers. Leur rage et leur colère jaillissent, comme les flammes des voitures qu'ils brûlent, des conditions matérielles d'existence inhumaine. Leur révolte n'est pas dirigée uniquement contre les brutalités policières; elle embrasse l'ensemble des symboles et institutions de l'Etat bourgeois qui les opprime au quotidien. Ces humiliés ont montré à plusieurs reprises qu'ils sont capables de se mettre en colère, de se révolter et de se dresser contre un ordre injuste contrairement à un lumpenprolétariat qui se trouve souvent du côté de la classe dominante. Leur révolte est un acte social et politique dirigé contre un État qui opprime et punit les plus fragiles de la classe ouvrière, même si l'on s'obstine à ne pas le reconnaître.

Les assassinats, les mutilations et d'une manière générale la répression et la violence exercées sur les jeunes des cités, partie intégrante de la classe ouvrière, et sur le mouvement social et écologique montrent bien que le rôle confié par la bourgeoisie à la police est de briser toute contestation, toute résistance aussi minime soit-elle à l'ordre établi. C'est dans ce cadre qu'il faut comprendre toute cette surenchère sécuritaire, cette militarisation de la police et ce renforcement extraordinaire de ses pouvoirs. Les crimes ordinaires de l'Etat français, à travers sa police, se suivent et se ressemblent. Il y aura dans l'avenir d'autres crimes tellement la police est intimement liée à l'Etat.

L’État n'est pas au-dessus des classes, il en est même le produit. Il y a longtemps, Engels exprimait cette idée fondamentale de ce qu'est l'Etat : " L'Etat n'est donc pas un pouvoir imposé du dehors à la société; il n'est pas d'avantage "la réalité de l'idée morale", "l'image et la réalité de la raison", comme le prétend Hegel. Il est bien plutôt un produit de la société à un stade déterminé de son développement; il est l'aveu que cette société s'empêtre dans une insoluble contradiction avec elle-même, s'étant scindée en oppositions inconciliables qu'elle est impuissante à conjurer." (2)

L'Etat ajoute Lénine "surgit là, au moment et dans la mesure où, objectivement, les contradictions de classes ne peuvent être conciliées. Et inversement : l'existence de l'Etat prouve que les contradictions de classes sont inconciliables." (3)

La police est l'un des piliers de l'Etat. Elle est son bras armé qui permet à une classe de réprimer une autre. La mission de la police n'est donc pas la sécurité publique mais le maintien de l'ordre politique, garanti par l’État, instrument d'oppression de la classe dominante.

Les assassinats sont et seront banalisés, légitimés et institutionnalisés par l'Etat. En 2017 par exemple, la loi relative à la sécurité publique a nettement assoupli la notion de la légitime défense (4). Depuis cette date, le nombre de personnes abattues par la police a été multiplié par cinq (5).

Aucune république, aucune monarchie même la plus démocratique, ne peut se passer de la violence pour maintenir la majorité de la population dans la soumission. L'existence du suffrage universel, du gouvernement, du parlement et de toutes les institutions qui gravitent autour de l’État ne change rien au fond du problème : l’État reste ce qu'il est réellement c'est-à-dire un appareil de domination et d'oppression d'une classe par une autre. Il ne peut en être autrement dans une société de classes où l’État possède le monopole de la violence. L’État au service du peuple, de l'ordre public, de l'intérêt général etc. ne sont que des grossiers mensonges véhiculés par la classe dirigeante pour mieux justifier ses privilèges et sa domination.

Les forces du progrès ne doivent pas abandonner les habitants des ghettos-cités aux forces obscures et réactionnaires. Les travailleurs immigrés, leurs enfants et leurs petits-enfants qui sont nés sur le sol de ce pays font partie intégrante, pour la grande majorité d'entre eux, de la classe ouvrière. Ils subissent plus que les autres les ravages du chômage, de la précarité et les affres des humiliations en tout genre. Cette insécurité et cette violence permanentes exercées sur cette fraction vulnérable et fragile de la société par une bourgeoisie arrogante et brutale, montrent à l'évidence que leur révolte est légitime. Ses morts, nombreux et anonymes, ne sont pas reconnus et encore moins décorés par la République bourgeoise. Leur combat doit être celui de toutes les forces qui s'opposent et aspirent à renverser l'ordre établi.

 

Mohamed Belaali

 

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(1)https://www.lanouvellerepublique.fr/charente/jeune-homme-tue-en-charente-le-policier-mis-en-examen-pour-homicide-volontaire

(2) Cité par Lénine dans L'Etat et la révolution révolution : https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/08/er1.htm

(3) Op. Cit. https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/08/er1.htm

(4)https://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/securite_publique.asp

(5)https://basta.media/refus-d-obtemperer-quatre-fois-plus-de-personnes-tuees-par-des-policiers-depuis-cinq-ans

 

 

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15 mai 2023 1 15 /05 /mai /2023 06:54

 

Mes bien-aimés

Avec mes paupières je bâtirai la route de votre retour

Avec mes paupières.

Je guérirai votre blessure, balaierai les épines de la route

Avec mes cils

Et de ma chair je construirai le pont du retour

 

En 1948, les palestiniens ont été arrachés à leur terre et contraints à l'exil et au déracinement. Le 15 mai de chaque année, ils commémorent cettte tragédie pour rappeler à Israël et au monde entier qu'ils ne renonceront jamais à leur droit légitime au retour.

Qui peut mieux ressentir cette tragédie collective que les poètes. Tawfik Zayyad est peut-être celui qui incarne le mieux la tragique histoire de la Palestine et de son peuple qui lutte toujours pour sa survie :

"Le drame que je vis est ma part de vos tragédies" écrivait-il dans l'un de ses poèmes :

Je vous appelle

Je serre vos mains

J’embrasse la terre sous vos pieds

Et je dis : je vous donne ma vie

Je vous offre la lumière de mes yeux

Et la chaleur de mon cœur

Le drame que je vis est ma part de vos tragédies.

Face à mes oppresseurs je me suis dressé
Orphelin, nu, déchaussé

J’ai préservé l’herbe verte sur les tombes de mes ancêtres

 

Sa poésie se confond même avec cette terre tant aimée, cette "terre violée" de la Palestine :

Je graverai le numéro de chaque parcelle

de notre terre violée

et l’emplacement de notre village et ses limites

et ses maisons qu’ils ont dynamitées

et mes arbres qu’ils ont déracinés

et toutes les fleurs sauvages qu’ils ont arrachées

afin de me souvenir.

Je graverai inlassablement

toutes les saisons de mes douleurs

toutes les saisons de l’infortune

de la graine

à la coupole

sur l’olivier

dans la cour de ma maison.

 

Contre la force et la violence de l'occupant israélien, Zayyad opposait la puissance de sa poésie. Cette poésie simple, émouvante, populaire et tragique a circulé d'abord sous les tentes des camps de réfugiés, dans les prisons avant d'être lue, apprise et chantée dans toute la Palestine et dans tout le monde arabe. La poésie de Zayyad a réussi à briser le cercle étroit, confidentiel et élitiste dans lequel est confinée la poésie en général pour s'emparer des masses opprimées palestiniennes et arabes. La poésie subversive de Zayyad dérangeait. Arrêté, incarcéré et torturé, l'occupant israélien voulait étouffer la voix du poète.

Zayyad n'a pas quitté sa Galilée natale. Il voulait, disait-il, garder l'ombre des orangers et des oliviers de la Palestine :

Ici nous resterons

Gardiens de l'ombre des orangers et des oliviers

Si nous avons soif nous presserons les pierres

Nous mangerons de la terre si nous avons faim mais nous ne partirons pas !!

Ici nous avons un passé un présent et un avenir

 

Tawfik Zayyad est mort dans un accident de voiture dans des circonstances troubles. Il nous a laissé une moisson abondante de poèmes se transmettant de générations en générations.

Parmi ses recueils on peut citer, J'étreins vos mains, Enterrez vos morts et levez-vous, Paroles de combat, Chants de révolte et de colère, Captifs de la liberté etc.

Son œuvre n'a toujours pas été traduite en français. Le lecteur francophone est ainsi privé d'une poésie lumineuse à la fois authentiquement palestinienne et universelle.

 

Mohamed Belaali

 

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11 mai 2023 4 11 /05 /mai /2023 07:08

Les palestiniens commémorent aujourd'hui le premier anniversaire de l'assassinat par l'armée israélienne de la journaliste d'Al-Jaseera Shireen Abou Akleh le 11 mai 2022 à Jénine en Cisjordanie occupée .

La journaliste qui portait pourtant son gilet "Presse" a été abattue par deux balles dans la tête. Elle avait 51 ans. Son cercueil a été pris d'assaut par la police. Israël lui a refusé ce droit élémentaire d'être enterrée dans la dignité.

Née en 1971 à Jérusalem de parents arabes chrétiens, Shireen était la journaliste la plus célèbre d'Al-Jaseera en langue arabe. Elle "couvrait, comme disait la journaliste Nida Ibrahim, le quotidien des palestiniens". Toujours présente sur le terrain, "elle a couvert une multitude d’événements palestiniens historiques - la bataille de Jénine, la deuxième Intifada, les multiples raids israéliens. Elle n’a jamais reculé, elle recueillait les preuves, rassemblait les indices, dévoilait les crimes. Ici, toutes les allées des camps de réfugiés en Palestine l’ont vue passer, tous les quartiers des villes… C’est elle qui donnait une voix aux sans-voix, qui allait voir les familles des martyrs, des blessés, des prisonniers" disait Dia al-Adam le présentateur pour la chaîne Palestine TV.

Cet assassinat s'ajoute à la longue liste des journalistes palestiniens tués par l'armée d'occupation sans compter les dizaines de journalistes détenus derrière les barreaux des prisons israéliennes.

Ce nouveau crime restera, comme tous les crimes d'Israël, impuni. Les crimes d'Israël se font "dans les murmures ou dans un silence total" disait Jean Genet à propos du massacre de Sabra et Chatila.

Car Israël est un Etat au-dessus de toutes les lois. C'est un Etat qui viole tous les jours le droit international et toutes les résolutions de l'ONU. C'est un État qui défie tous les peuples du monde. C'est un Etat qui tue froidement hommes et femmes, enfants et vieillards, filles et garçons. C'est un État qui bombarde sans scrupules, écoles, hôpitaux, ambulances, maisons d'habitation, lieux de culte et centre d'information de la presse internationale.

C'est cet Etat qui a arraché le peuple palestinien à sa terre comme il a arraché ses vignes, ses oliviers, ses citronniers et ses orangers. Un peuple dont on a effacé jusqu'aux noms de ses villages détruits et sur leurs ruines on a élevé kibboutz et colonies. Un peuple dont le nom évoque irrésistiblement les massacres parmi les plus cruels et les plus horribles qu'aient connu le XX et ce début du XXI siècle. Mais le peuple palestinien est toujours là comme la terre sur laquelle il a grandi.

Un de ses poètes, Tawfik Zayyad, disait :

Ici nous resterons

Gardiens de l'ombre des orangers et des oliviers

Si nous avons soif nous presserons les pierres

Nous mangerons de la terre si nous avons faim mais nous ne partirons pas !!

Ici nous avons un passé un présent et un avenir

 

Mohamed Belaali

 

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21 avril 2023 5 21 /04 /avril /2023 05:55

Le 15 avril 2023, les habitants de Khartoum et d'autres villes du Soudan se sont réveillés sous le bruit des armes. De violents combats opposent deux factions de l'armée soudanaise : les paramilitaires des Forces de Soutien Rapide menés par le général Mohamed Hamdane Daglo et l'armée régulière soudanaise dirigée par le général Abdel Fattah Al-Burhan, à la tête de l'Etat depuis le putsch de 2021. Mais pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui au Soudan, il est nécessaire de revenir sur le passé de ce pays tourmenté. En effet, l'histoire politique du Soudan est riche en révoltes, en révolutions et en coups d'Etat militaires qui ne sont, en dernière analyse, que l'expression d'une lutte de classe plus ou moins ouverte entre oppresseurs et opprimés.

 

Sans remonter à la période coloniale où les « mahdistes » ont mis en déroute l'armée de l'occupation britannique en 1885 avant d'être défaits par le général Kitchener en 1898, le Soudan moderne a connu une série de soulèvements populaires et de putschs militaires entrecoupée d'intermèdes démocratiques. Dès 1958, deux ans seulement après la proclamation de l'indépendance en 1956, le général Ibrahim Abboud s'empare du pouvoir mettant ainsi un terme au régime parlementaire gangrené par la corruption et incapable de sortir le pays de la crise économique liée essentiellement à la chute des prix du coton.

Le nouveau régime militaire soutenu par le Royaume Uni et dont le règne est marqué par de nombreuses mesures impopulaires et discriminatoires notamment vis à vis de la population du Sud majoritairement chrétienne et animiste, est chassé à son tour du pouvoir par la révolution d'octobre 1964 (Thawrat Oktobar) dont l'étincelle est partie de l'université de Khartoum la capitale. La résistance sudiste, l'influence du parti communiste dans les milieux ouvriers, paysans et intellectuels ainsi que, dans une moindre mesure, celle des Frères musulmans ont joué un rôle décisif dans le renversement de la première dictature militaire.

Le nouveau gouvernement provisoire mis en place a promulgué des lois progressistes comme celle qui donne aux femmes, pour la première fois, le droit de vote. Mais la situation a changé rapidement sous l'influence des islamistes qui ont réussi à interdire le parti communiste en 1965 et exclu ses députés de l'Assemblée. Le PC soudanais qui était le fer de lance dans le soulèvement d'octobre 1964 est condamné une nouvelle fois à la clandestinité.

Le 25 mai 1969, un nouveau coup d'Etat mené cette fois par de jeunes officiers nationalistes dont certains sont proches du parti communiste, porte au pouvoir le colonel Gaafar Nimeiry (devenu général puis maréchal par la suite). Admirateur de Nasser, le nouveau maître du Soudan mène une politique de nationalisation et adopte, sur le plan politique, des mesures démocratiques. Mais très tôt Nimeiry entre en conflit ouvert avec les communistes qui doutent fortement du caractère révolutionnaire de son gouvernement. Ils lui reprochent de surcroît son autoritarisme et surtout son projet d'Union tripartite avec l'Egypte de Sadate et la Libye de Khadafi. Les ministres communistes et les officiers proches du parti sont alors exclus du gouvernement.

Le 19 juillet 1971 une tentative de coup d'Etat montée contre Nimeiry et attribuée aux communistes a échoué. Nimeiry décide alors d'écraser définitivement le parti communiste soudanais, le plus important alors du continent africain. «Une effroyable campagne de liquidation physique du parti communiste soudanais et ses sympathisants. Une terrible chasse à l’homme à travers tout le territoire, qui devait engloutir des milliers de cadres politiques, intellectuels, syndicalistes, étudiants et militaires» (1). Le prestigieux dirigeant du parti Abdel Khaliq Mahjoub fut pendu le 28 juillet 1971. Cette période marque le déclin du parti communiste soudanais qui était sur tous les fronts, de toutes les révoltes et de toutes les révolutions avant et après l'indépendance du Soudan. Mais ces idées révolutionnaires pour un Soudan moderne restent encore aujourd'hui l'emblème de tous les soulèvements populaires contre les dictatures militaires.

Débarrassé des communistes, Nimeiry se rapproche des Etats-Unis, de l'Arabie Saoudite, d'Israël et se réconcilie avec les partis fondamentalistes. Il impose la Charia, l'islamisation des institutions et de la société y compris au Sud Soudan dont la population est majoritairement chrétienne et animiste. Il a même exécuté par pendaison Mahmoud Mohamed Taha, un penseur musulman moderniste et fondateur du parti des Frères Républicains d'inspiration socialiste. Devant la Cour avant son exécution Taha déclare «J'ai affirmé à plusieurs reprises mon opinion, selon laquelle les lois de septembre 1983 bafouent la charia islamique et l'islam lui-même. De plus, ces lois ont défiguré la charia islamique et l'islam jusqu'à les rendre repoussants. Plus encore, ces lois ont été édictées et utilisées pour terroriser le peuple et le soumettre à force d'humiliation» (2).

 

En mars 1985, les soudanais sont descendus massivement dans la rue, une fois encore, pour protester contre les augmentations des prix des denrées alimentaires de base et contre Nimeiry qui les a appliquées sur les injonctions du FMI. Le régime réagit violemment. Mais cette brutalité n'a fait que renforcer la volonté des révoltés à se débarrasser du dictateur.

En avril de la même année, le général Nimeiry est renversé par un autre général Abdel Rahman Suwar al-Dahab. Un gouvernement transitoire est constitué. Les prisonniers politiques sont libérés, les libertés publiques restaurées et le parti communiste est de nouveau autorisé. Les élections sont organisées en 1986 et les négociations pour trouver un accord avec les rebelles du Sud sont entamées. Mais cette relative liberté permise par la nouvelle révolution a été de courte durée.

 

Le 30 juin 1989, le colonel Omar Al-Bashir s'empare du pouvoir par un coup d'Etat militaire mettant un terme au gouvernement civil de Sadek el-Mahdi. Une nouvelle dictature s'installe. Le parlement est dissout. Les partis politiques ainsi que les syndicats sont interdits et leurs dirigeants emprisonnés. Omar Al Bachir s'allie un temps avec les Frères musulmans et leur guide Hassan Al Tourabi qui inspirait sa politique. Il concentre tous les pouvoirs entre ses mains : il est à la fois Président de la république, premier ministre, chef des armées et ministre de la défense. Le dictateur introduit un nouveau «code islamique» encore plus rigoriste que celui imposé par Gaafar Nimeiry. Al Bachir commet au Darfour, l'une des régions les plus pauvres du Soudan malgré la richesse de son sous-sol, de véritables crimes de guerre qualifiés de crime contre l'humanité par l'ONU (3).

Il intensifie la guerre au Sud avant de signer avec les rebelles en 2005 un accord de paix et l’organisation d’un référendum d’autodétermination en janvier 2011. En juillet de la même année Al Bachir est contraint d'accepter la sécession du Sud (600 000 kilomètres carrés).

Il privatise les chemins de fer ainsi que de nombreux secteurs de l'économie soudanaise. Il applique les politiques d'austérité et la « vérité des prix » imposées par le FMI. Et c'est justement cette politique dictée par le Fonds monétaire qui a allumé l'étincelle qui va embraser tout le Soudan.

En effet le 19 décembre 2018, alors que l'économie du pays traverse une crise profonde, le gouvernement d'Al Bachir annonce le triplement du prix du pain et augmente celui de l'essence de 30 % alors que l'inflation a déjà atteint les 40 %. Des émeutes éclatent d'abord dans les villes ouvrières notamment à Atbara fief du parti communiste et berceau de tous les soulèvements populaires soudanais avant de se répandre dans tout le pays. Mais les émeutes se sont vite transformées en contestation du régime d'Al Bachir : «Le peuple veut la chute du régime» clament les manifestants. Une dynamique révolutionnaire impulsée et guidée par l'Association des Professionnels Soudanais (APS) s'est emparée de tout un peuple. Malgré une féroce répression et ses dizaines de morts, malgré la présence des Janjawid, ces soldats de sinistre mémoire pour leurs atrocités commises au Darfour, malgré l'instauration d'état d'urgence et le couvre-feu, les manifestants réclament toujours avec force le départ d'Al Bachir et des forces islamistes réactionnaires qui le soutiennent. «La révolution est le choix du peuple» scandent, jour et nuit, les manifestants devant le quartier général de l’armée symbole du pouvoir.

Le 11 avril 2019 Omar Al Bachir est destitué par l'armée : «J'annonce en tant que ministre de la

défense la chute du régime» disait le communiqué lu par le ministre de la défense le général Awad Ibn Awf (4). Un Conseil militaire de transition est mis en place présidé par le général Al Burhan. C'est une première étape de la révolution remportée par le peuple soudanais.

La deuxième a commencé le 17 août 2019 avec la constitution d'un Conseil souverain appelé à superviser «la transition démocratique». Ce Conseil est composé de 11 membres, 5 militaires et 6 civils, dont deux femmes. Un nouveau gouvernement, 18 membres dont 4 femmes, est constitué un mois après et dirigé par un économiste Abdallah Hamdok.

Al Bachir est tombé mais son régime est toujours en place et les islamistes se tiennent en embuscade. Le ministère de l'intérieur et celui de la défense sont toujours entre les mains des militaires. La victoire n'est pas encore là et la lutte des classes se poursuit.

Le 25 octobre 2021, le Soudan a connu un nouveau coup d'Etat mené cette fois par le général Al- Burhan président du Conseil militaire. Ce putsch met fin au processus de transition démocratique entamé depuis la chute du dictateur Omar Al Bachir en avril 2019.

Aujourd'hui Al-Burhan est à son tour contesté par un autre général, Mohamed Hamdane Daglo.

La troisième étape de la révolution soudanaise reste donc à écrire.

 

Mohamed Belaali

 

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(1)http://www.afrique-asie.fr/561-2/

(2)https://fr.wikipedia.org/wiki/Mahmoud_Mohamed_Taha

Voir également le livre de Taha « L'islam à vocation libératrice » publié chez l'Harmattan en 2002 préfacé pat Samir Amin.

(3)https://news.un.org/fr/story/2009/03/152002

(4)https://www.jeuneafrique.com/761484/politique/soudan-omar-el-bechir-destitue-par-larmee/

 

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1 avril 2023 6 01 /04 /avril /2023 09:37

La répression qui s'abat aujourd'hui sur les mouvements sociaux et écologiques n'est que le prolongement des châtiments corporels d'un autre âge infligés aux gilets jaunes : mains arrachées, yeux crevés, visages défigurés, crânes fracassés etc. Malheureusement la violence exercée sur ce mouvement populaire n'a pas été suffisamment dénoncée. Une partie des directions syndicales assistait en spectatrice à ce conflit ouvert comme si elle n'était pas concernée. Les gilets jaunes sont restés seuls face à un pouvoir réactionnaire et extrêmement violent.

Aujourd'hui le même pouvoir utilise la même violence contre la colère sociale qui s'exprime partout dans le pays. Aux problèmes sociaux, écologiques et politiques, l'État bourgeois répond par des mesures guerrières ! Car lorsque le conflit s'aiguise la classe dirigeante n'a d'autres choix que d'utiliser la répression pour briser la contestation et perpétuer sa domination. Et plus la lutte perdure et prend de l'ampleur, plus cette classe devient brutale, arrogante et odieuse. Rien de plus normal dans une société fondée sur la lutte des classes.

Cette violence est d'abord une violence d'Etat. Elle est banalisée et légitimée par le discours médiatique et institutionnalisée à travers la police. La mission essentielle de la police n'est pas la sécurité publique mais le maintien de l'ordre politique. Son rôle est de briser toute résistance à l'ordre établi aussi minime soit-elle. C'est dans ce cadre qu'il faut comprendre toute cette surenchère sécuritaire, cette militarisation de la police et le renforcement extraordinaire de ses pouvoirs.

Aucune république, aucune monarchie même la plus démocratique, ne peut se passer de la violence pour maintenir la majorité de la population dans la soumission. L'existence du suffrage universel, du gouvernement, du parlement et de toutes les institutions qui gravitent autour de l’État ne change rien au fond du problème : l’État reste ce qu'il est réellement c'est-à-dire un appareil qui réprime par la violence toute contestation de l'ordre établi. La terrible répression exercée sur les Gilets jaunes et en ce moment sur le mouvement de contestation sociale et écologique sont des exemples éloquents à cet égard. Il ne peut en être autrement dans une société de classes où l’État possède le monopole de la violence. L’État au service du peuple, de l'ordre public, de l'intérêt général etc. ne sont que des grossiers mensonges véhiculés par la classe dirigeante pour mieux justifier ses privilèges et sa domination.

L’État français peut en totale impunité éborgner les manifestants, arracher leurs mains, les défigurer, ou tout simplement les éliminer physiquement par des armes de guerre. Ni la justice, ni l'Inspection Générale de la Police Nationale, ni le Conseil d’État, ni le Défenseur des Droits, ni l'ONU, ni le Parlement européen, ni le Conseil de l'Europe, ni toutes les autres institutions nationales et internationales ne sont en mesure d'arrêter cette violence de classe. 

 

Mohamed Belaali

 

 

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18 mars 2023 6 18 /03 /mars /2023 07:00

                                                         «L'histoire ne connaît pas encore d'exemple d'une pareille grandeur!»

                                                                                                                                                          K.Marx

 

Les communards se sont battus héroïquement contre l'une des plus féroces bourgeoisies au monde. Aujourd'hui, Macron est le digne représentant de cette même classe sociale comme l'était Adolphe Thiers hier.

 

«A l'aube du 18 mars, Paris fut réveillé par ce cri de tonnerre : vive la commune !» (1). Mais la Commune de Paris n'a vécu que 72 jours ! Pendant cette éphémère existence, la Commune n'a certes pas fait de miracles, mais elle a réalisé des avancées sociales et politiques qui font encore aujourd'hui l'admiration des peuples du monde entier. Des femmes de Montmartre, qui ont fait barrage de leurs corps pour protéger les canons de la Garde nationale, jusqu'au dernier communard tombé au Père-La chaise le fusil à la main, la Commune s'est battue héroïquement contre toutes les injustices et toutes les aliénations de l'ordre social établi. La commune fut battue mais ses principes restent éternels.

 

 

«Les prolétaires de la capitale, au milieu des défaillances et des trahisons des classes gouvernantes, ont compris que l'heure était arrivée pour eux de sauver la situation en prenant en main la direction des affaires publiques...en s'emparant du pouvoir» disait le manifeste du 18 mars du Comité central. La Commune a d'emblée supprimé deux instruments de domination de classe en abolissant la police et en remplaçant l'armée permanente par le peuple en arme. Les représentants de la Commune étaient non seulement tous élus au suffrage universel, mais surtout responsables et révocables à tout moment. Pour la Commune «les membres de l’assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l’opinion, sont révocables, comptables et responsables» (voir l'appel du 22 mars 1871). Quel contraste avec les hommes politiques d'aujourd'hui qui cumulent plusieurs mandats à la fois et n'ont de comptes à rendre à personne une fois élus; il s'agit d'une véritable confiscation du pouvoir ! Les citoyens n'ont aucun contrôle sur leurs représentants qui ne sont absolument pas tenus de respecter leurs promesses. Étrange démocratie où le peuple est réduit à voter à intervalles réguliers pour des «représentants» qui vont immédiatement le trahir. La Commune a instauré un traitement maximum de 6000 francs annuels pour tous les fonctionnaires du haut au bas de l'échelle y compris les juges et les magistrats c'est-à-dire l'équivalent d'un salaire d'ouvrier. Lorsque l'on pense aujourd'hui à ces hommes politiques corrompus qui confondent deniers publics et argent privé, on se rend vite compte combien la démocratie communale était en avance !

 

La majorité des élus de la Commune était naturellement des ouvriers à côté des autres élus du peuple. Aujourd'hui la démocratie bourgeoise ignore totalement dans sa représentation l'existence des ouvriers et des classes populaires en général alors même qu'elles représentent près de la moitié des producteurs de richesses. Qu'elle est jolie la démocratie «représentative» bourgeoise ! Mais ces ouvriers, que la bourgeoisie méprise tant, ont produit avec la Commune l'une des plus belles et des plus originales expériences politiques de l'histoire moderne.

 

La Commune a arraché l'enseignement à l'église et à l’État pour le mettre gratuitement entre les mains du peuple. Elle a banni de l'instruction publique tout «ce qui relève de la conscience individuelle de chacun». Dans «La guerre civile en France», Marx écrivait «La totalité des établissements d'instruction furent ouverts au peuple gratuitement, et, en même temps, débarrassés de toute ingérence de l'église et de l’État. Ainsi non seulement l'instruction était rendue accessible à tous mais la science elle-même était libérée des fers dont les préjugés de classe et le pouvoir gouvernemental l'avaient chargée».

 

Si aujourd'hui Macron et son ministre de l'intérieur Gérald Darmanin organisent la chasse policière aux étrangers, accablent de mille et une misères les travailleurs sans papiers et alimentent contre eux les préjugés les plus répugnants, les portes de la Commune, elles, étaient grandes ouvertes à des milliers de travailleurs du monde entier. Elle a même promu au rang de ministre du Travail un ouvrier hongrois et placé deux généraux polonais pour la défense de Paris dont un est mort sur les barricades. La Commune c'était la République universelle.

 

La colonne Vendôme, symbole des horreurs des guerres napoléoniennes, que le peuple de Paris ne voulait plus voir fut renversée. Ainsi le 12 avril 1871, la Commune vote le décret suivant, sur proposition de Felix Pyat : «La Commune de Paris, considérant que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l’un des trois grands principes de la République française, la fraternité, décrète : article unique - La colonne Vendôme sera démolie».

 

Au cri «A bas la peine de mort», les citoyens du 11e arrondissement au milieu de la joie populaire, ont brûlé le 6 avril 1871 la guillotine. Il a fallu plus d'un siècle pour que la bourgeoisie concède l’abolition de cette pratique barbare.

Contre la justice marchandise, la Commune a tenté d'établir une justice égale et gratuite pour tous. Eugène Protot délégué à la justice avait proposé le 23 avril 1871 que les huissiers, notaires, commissaires-priseurs et greffiers de tribunaux soient des fonctionnaires appointés (2).

 

Rappelons que toutes les mesures de la Commune sont d'autant plus remarquables qu'elles étaient prises alors que Paris était assiégé par les prussiens et par les versaillais.

 

Même si les hommes et les femmes de la Commune n'ont pas atteint leurs objectifs, la portée de leur expérience reste immense. La beauté de l’œuvre de la Commune n'a d'égal que la laideur de l'ordre bourgeois. La Commune restera à jamais gravée dans la mémoire des ouvriers et des opprimés du monde entier.

 

Mohamed Belaali

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(1)K Marx, La guerre civile en France 1871, éditions sociales, page 59.

https://www.marxists.org/francais/ait/1871/05/km18710530c.htm

(2)https://maitron.fr/spip.php?article136007

 

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8 mars 2023 3 08 /03 /mars /2023 09:33

«l'expérience de tous les mouvements libérateurs attestent que le succès d'une révolution dépend du degré de participation des femmes». Lénine

 

A l'occasion de la journée internationale des femmes, il est peut-être utile de rappeler le travail formidable accompli par cette révolutionnaire durant les premières années de la Révolution russe en faveur des femmes en général et des ouvrières et des paysannes en particulier. L'histoire de la Révolution russe tend à ne retenir que des figures masculines. Or ce sont les grèves des ouvrières de textile de Petrograd (Saint-Pétersbourg aujourd'hui) qui ont enclenché la première révolution le 23 février 1917 (8 mars dans le calendrier Grégorien) qui a emporté le régime despotique des Tsars. En effet, les femmes sont descendues massivement dans la rue le 8 mars, journée internationale des femmes, et ont réussi à renverser un régime multicentenaire, c'est un fait historique sans précédent. Mais les femmes ont également joué un rôle exemplaire dans la révolution d'octobre 1917 qui portait en elle les aspirations et les espoirs les plus simples et les plus grandioses de tout un peuple. Parmi ces révolutionnaires femmes, Alexandra Kollontaï est probablement la plus talentueuse et la plus audacieuse. Certes Kollontaï n'est pas la seule femme qui a joué un rôle majeur dans les premières années de l'Union soviétique. D'autres femmes révolutionnaires comme Nadedja Kroupskaïa, Elena Stassova ou encore Inessa Armand, pour ne citer que celles-là, ont tenu un rôle de premier plan. Mais Alexandra Kollontaï non seulement faisait preuve d'une farouche liberté d'esprit, mais elle a surtout compris, plus que les autres peut-être, les nécessités sociales, politiques et sexuelles des femmes.

 

Élue membre du comité central du parti bolchevik, elle fut également la première femme au monde à occuper un poste ministériel (commissaire du peuple aux affaires sociales) dans le premier gouvernement des Soviets sous la présidence de Lénine. Elle se consacre alors avec détermination à la défense des intérêts des femmes dans un pays pauvre et arriéré où la femme était totalement soumise non seulement à son mari, mais aussi à une morale archaïque héritée de la religion et renforcée par le régime des tsars. Pour Alexandra Kollontaï, la Révolution doit accoucher d'un ordre social nouveau pour la famille et les femmes. Effectivement, c'est ce gouvernement dont elle fait partie jusqu'en mars 1918 qui a aboli toutes les lois tsaristes sur la famille. Ainsi l'infériorité des femmes et le mariage religieux sont abrogés par décrets. L'homosexualité est dépénalisée. Tous les enfants, légitimes ou non, sont égaux devant la loi. L'héritage est aboli. Les adoptions privées sont interdites. Le divorce est accordé sur simple demande de l'un des conjoints. Le travail est rendu obligatoire pour les hommes comme pour les femmes etc. Rarement un pays a fait autant pour les femmes tout du moins sur le plan législatif. C'est une révolution radicale qui a fait dire à Lénine «Nous pouvons le dire avec fierté et sans crainte d'exagération, il n'y a pas un seul pays au monde, en dehors de la Russie des Soviets, où la femme jouisse de tous ses droits et ne soit pas placée dans une position humiliante, particulièrement sensible dans la vie familiale de chaque jour. C'était là une de nos premières et plus importantes tâches » (1).

 

Des mesures importantes ont été prises également dans le cadre du ministère des affaires sociales dirigé par Alexandra Kollontaï. «Les réalisations les plus importantes de notre commissariat du peuple dans les premiers mois après la Révolution d’octobre furent les suivantes : décrets pour améliorer la situation des invalides de guerre, pour abolir l’instruction religieuse dans les écoles de jeunes filles qui dépendaient du ministère (ceci se passait encore avant la séparation générale de l’église et de l’Etat) décrets pour faire passer les prêtres au service civil, pour faire adopter le droit à l’auto-administration des élèves dans les écoles de filles, pour réorganiser les orphelinats les plus anciens en des maisons d’enfants du gouvernement, décrets pour créer les premiers foyers pour nécessiteux et gamins des rues, décrets pour réunir un comité composé de docteurs qu’on allait charger de mettre sur pied un système de santé public et gratuit pour le pays tout entier» (2).

En janvier 1918, elle met en place un Office central pour la protection de la maternité et de l'enfance. Elle a aussi transformé toutes les maternités en maisons gratuites pour dispenser des soins aux mères et aux nourrissons. «Il fallait jeter des bases pour la création d’un vaste complexe gouvernemental pour la protection des mères» disait-elle (3).

Même pendant la guerre civile, des crèches, des cantines publiques, des laveries, des foyers communautaires, des jardins pour enfants etc. ont été développés sous son influence. Il fallait libérer la femme du fardeau des tâches domestiques. Elle pensait que «la « séparation de la cuisine et du mariage » est une grande réforme, non moins importante que la séparation de l'Église et de l'État» (4).

 

Avec l'aide notamment d'Inessa Armand, elle crée le département du parti chargé de l'émancipation des femmes (Jenotdel) dont elle fut la présidente de 1920 à 1922. Les bureaux du Jenotdel étaient présents sur tout le territoire des républiques soviétiques y compris les plus arriérées. Les militantes propageaient courageusement les idées de la Révolution, la stricte égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines. Elles se battaient pour que les femmes participent comme les hommes à tous les échelons du pouvoir non seulement dans le gouvernement (qui ne comptait que deux femmes dans ses rangs), mais aussi dans le parti, les soviets, les syndicats, l'armée etc. C'était là un combat que Kollontaï avait déjà mené au sein même des soviets :«Partout les Soviets doivent contribuer à ce que l’on considère les femmes sur un pied d’égalité avec les hommes.(...) Nous nous arrangions pour pousser et faire accepter cette motion, mais point sans résistance. Ce fut une victoire immense et durable» (5).

 

Elles prônaient plutôt l'auto-émancipation des femmes que les interventions de l'Etat. Si certains dirigeants bolcheviks étaient contre la création du Jenotdel, Lénine par contre, lui accordait tout son soutien et fustigeait tous ceux qui étaient contre la création d'organismes spécifiques réservés à l'émancipation des femmes (6). Mais le travail formidable du Jenotdel se heurtait non seulement à la résistance des hommes, mais surtout au manque de ressources et à l'état de pauvreté dans lequel se trouvait la Russie de l'époque. Plus tard, en janvier 1930, le Jenotdel est dissous par Staline.

 

Mais pour Kollontaï, l'émancipation des femmes ne s'arrête pas à «la séparation de la cuisine et du mariage» et à la stricte égalité devant la loi entre les sexes; ce combat doit également embrasser des domaines comme la sexualité et l'amour : «Les rapports des sexes sont une partie importante des règles de la vie» pensait-elle (7).

Elle défend alors de nouvelles conceptions sur l'amour libre, l'amour-camaraderie. Elle était persuadée que seule la société socialiste permettrait de créer les bases nécessaires pour la réalisation de ce qu'elle appelle «l'amour libre» : «L' « amour libre » introduit de façon récurrente dans la société de classe existante, au lieu de libérer les femmes des difficultés de la vie familiale, lui ferait porter un nouveau poids. Seul un certain nombre de réformes fondamentales dans la sphère des rapports sociaux – des réformes transférant ces obligations de la famille à la société, à l’État – pourrait créer une situation où le principe de l' «amour libre» pourrait dans une certaine mesure être réalisé» (8).

 

L'amour basé sur la solidarité et la camaraderie devient alors une force sociale et psychique. Les relations amoureuses libres et purgées de toute exclusivité doivent reposer sur des postulats précis : «L'idéal d'amour pour la morale bourgeoise était l'amour d'un couple uni par le mariage légitime.

L'idéal d'amour de la classe ouvrière découle de la collaboration dans le travail, et de la solidarité dans l'esprit et la volonté de tous ses membres hommes et femmes, il se distingue naturellement par sa forme et par son contenu de la notion d'amour d'autres époques de civilisation. Mais qu'est-ce donc que « l'amour-camaraderie  » ? Cela ne signifie-t-il pas que la sévère idéologie de la classe ouvrière, forgée dans une atmosphère de lutte pour la dictature ouvrière s'apprête à chas­ser impitoyablement le tendre Éros ailé ? Non pas. L'idéologie de la classe ouvrière non seulement ne supprime pas « l'Éros aux ailes déployées » mais au contraire, elle prépare la reconnaissance du sentiment d'amour en tant que force sociale et psychique.(...) Dans cette période, l'idéal moral déterminant les relations sexuelles n'est point le brutal instinct sexuel, mais les multiples sensations éprouvées aussi bien par la femme que par l'homme, d'amour-camaraderie. Pour correspondre à la nouvelle morale prolétarienne qui se forme, ces sensations doivent reposer sur les trois postulats suivants :

  1. Egalité des rapports mutuels (sans la suffisance masculine et sans la dissolution servile de son individualité dans l'amour de la part de la femme) ;

  2. Reconnaissance par l'un des droits de l'autre et réciproquement, sans prétendre posséder sans partage le cœur et l'âme de l'être aimé (sentiment de propriété, nourri par la civilisation bourgeoise) ;

  3. Sensibilité fraternelle, art de saisir et de com­prendre le travail psychique de l'être aimé (la ci­vilisation bourgeoise n'exigeait cette sensibilité dans l'amour que chez la femme) (9).

 

Ses écrits sur l'amour et la sexualité sont devenus insupportables pour ses adversaires à l'intérieur comme à l'extérieur de la Russie soviétique. Effectivement, elle a été attaquée même dans sa vie privée et certains universitaires occidentaux l'accusent de «sadisme sexuel», que «son enthousiasme révolutionnaire n'est que la satisfaction de sa nymphomanie» ou encore «qu'elle prônait la satisfaction débridée de l'instinct sexuel» (10). Pour Orlando Figes, Alexandra Kollontai est une « Femme bouillante et émotive, encline à s’énamourer des jeunes gens et des idées utopiques, elle s’était engagée dans la cause bolchevik avec le fanatisme des nouveaux convertis» (11).

Même dans son propre parti, des responsables bolcheviks ne partageaient pas non plus ses opinions et c'est le moins que l'on puisse dire. On lui reproche, entre autres, d'accorder « trop d'importance aux problèmes purement sociologiques» et de donner à «la lutte des sexes plus d'importance qu'à la lutte de classes» (12). Selon certains dirigeants, «L'amour libre» a tourné chez les komsomols et les étudiants, «en fornication phallocratique à tout crin» (13).

«Mes thèses dans le domaine de la morale sexuelle furent combattues avec âpreté. Des soucis personnels et familiaux s’ajoutèrent à cela, et ainsi, en 1922 des mois passèrent sans que je puisse faire un travail fructueux» écrivait-elle simplement dans «But et valeur de ma vie» (14).

Attaquée, stigmatisée et ses idées délibérément déformées, Alexandra Kollontai, s'éloigne et se retire des événements politiques de son parti avant d'accepter le poste d'ambassadrice soviétique en Norvège, devenue là encore, la première femme dans l' histoire à occuper cette fonction.

 

Oubliée aujourd'hui, Kollontaï était pourtant «l'une des premières à affirmer les principes féministes modernes, auxquels le XXI siècle a en partie renoncé, malgré les bruyants cris de victoire autour du mariage homosexuel» (15).

Mais Alexandra Kollontaï était d'abord et avant tout une révolutionnaire pour qui seule la société socialiste est capable de rendre effective l'émancipation de la femme dans sa vie quotidienne et familiale : «La libération de la femme ne peut s'accomplir que par une transformation radicale de la vie quotidienne. Et la vie quotidienne elle-même ne sera changée que par une modification profonde de toute la production, sur les bases de l'économie communiste» (16).

La libération de la femme du fardeau des tâches domestiques qui l'oppriment et l'humilient devrait se traduire par de nouveaux rapports au sein du couple : «Sur les ruines de l’ancienne famille on verra bientôt surgir une forme nouvelle qui comportera des relations toutes autres entre l’homme et la femme et qui sera l’union d’affection et de camaraderie, l’union de deux membres égaux de la société communiste» (17).

 

Mohamed Belaali

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(1)https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1919/09/vil19190923.htm

(2)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1926/07/but.htm

(3)Ibid

(4)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1921/0a/kollontai_conf_12.htm

(5)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1926/07/but.htm

(6)C. Zetkin «Mes souvenirs de Lénine », cité par Tariq Ali dans «Les dilemmes de Lénine» Sabine Wespieser éditeur, p.377

(7)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1923/05/eros.htm

(8)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1909/00/bases_sociales.htm

(9)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1923/05/eros.htm

(10)Voir Tariq Ali op. cit. page 378.

(11)«La Révolution russe. 1891-1924, la tragédie d’un peuple», Paris, Denoël, 2007, cité dans Dissidences, La Résurrection d’Alexandra Kollontaï ?

https://dissidences.hypotheses.org/6896#sdfootnote21sym

(12)Paulina Vinogradskaja cité dans https://www.persee.fr/docAsPDF/cmr_0008-0160_1965_num_6_4_1638.pdf

(13)Tariq Ali op. cit. p. 380

(14)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1926/07/but.htm)

(15)Tariq Ali dans « Les dilemmes de Lénine», Sabine Wespieser éditeur, page 364.

(16)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1921/0a/kollontai_conf_12.htm

(17)https://www.marxists.org/francais/kollontai/works/1918/11/famille.htm

 

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3 mars 2023 5 03 /03 /mars /2023 07:53

«Si dans 10 ans on existe encore, ça voudra dire qu'on aura perdu», disait Coluche en 1985.

38 ans après, les Restos du cœur non seulement sont toujours là, mais fleurissent un peu partout comme, paradoxalement, la misère qui leur permet d’exister et de se développer. Chaque année, des millions de repas sont distribués par des bénévoles dévoués à des centaines de milliers de pauvres sans parler des milliers de bébés aidés par des «Restos et points Bébés du cœur» (1). Ces chiffres sont en augmentation constante. Il s’agit d’une véritable institution aimée par les grands médias et aidée par l’Etat. Mais c’est aussi et surtout le miroir d’une société qui célèbre, presque dans la joie, année après année la détresse et la souffrance humaine.

 

Des hommes et des femmes attendent sagement alignés derrière une ligne imaginaire, souvent dans le froid et sous la pluie, de recevoir leurs colis alimentaires dans l’indifférence quasi générale. Des femmes seules avec ou sans enfants, retraités avec pension de misère, jeunes précaires, étudiants, travailleurs pauvres, personnes en fin de droit, bénéficiaires des minima sociaux, agriculteurs, SDF, etc. etc. L’afflux massif de retraités aux Restos montre à quel point les pensions sont insuffisantes pour vivre et mourir dignement.

Des hommes et des femmes pauvres dans un pays riche ! Des hommes et des femmes broyés par la machine infernale de l’économie de marché ! Une économie qui produit sans trêve richesse pour les uns et misère pour les autres. Cette misère plonge donc ses racines dans cette recherche sans limites du profit.

De la gestion des situations provisoires, les Restos se sont transformés, sous la pression des politiques ultra-libérales, en une véritable institution condamnée à durer et à se développer. Leur sort est intimement lié au capitalisme. La crise de celui-ci va leur envoyer des bataillons entiers de laissés-pour-compte : «la situation des personnes que l'on accueille s'est aggravée : 60% d'entre elles sont en-deça de la moitié du seuil de pauvreté (qui s'établit à 1102 euros par mois, donc 551 euros)... En trente-sept années d'existence, les Restos du cœur n'avaient jamais connu une telle situation» disait Patrice Douret président de l’association (2). Les Restos du cœur, comme d’ailleurs toutes les associations caritatives, ont un « bel » avenir devant eux !

Ces aspects de la charité sont souvent ignorés par les grands médias notamment la télévision. Les images qu’elle diffuse tendent à occulter les véritables causes de la misère. Par contre, les concerts, spectacles et autres show organisés en faveur des Restos, eux, sont bien montrés. Artistes, sportifs de haut niveau, hommes et femmes politiques…bref, tout ce beau monde est ainsi mobilisé et projeté régulièrement sur la scène médiatique. Cette médiatisation à outrance de la charité permet de mieux exploiter la générosité des bénévoles et des citoyens et d’éviter du même coup tout travail de réflexion sur les racines politiques et économiques de la misère. Cela permet également à l’Etat de se décharger sur les associations caritatives et de remplacer les prestations fondées sur le droit par la charité et la morale avec tous ses préjugés et toutes ses culpabilisations. L’Etat, par le biais de la loi Coluche, offre aux généreux donateurs une réduction d’impôt égale à 75 % du montant du don. Un manque à gagner qui aurait pu contribuer par exemple à la construction des logements sociaux dont les familles et leurs enfants qui errent dans les rues par milliers ont tant besoin. Or «Depuis 1984, l’effort public pour le logement n’a jamais été aussi faible : les aides au logement sont en effet passées de 1,82 % du PIB en 2017 à 1,63 % en 2020» écrit la Fondation Abbé Pierre dans son rapport annuel (3).

Les riches, eux, peuvent se donner bonne conscience à peu de frais en jetant quelques miettes aux plus démunis qui doivent de surcroît «se courber» pour les ramasser. Cette forme de violence sociale, soigneusement masquée par l’idéologie dominante, reste invisible.

 

L’Histoire nous enseigne que les avancées sociales, petites et grandes, n’ont jamais été données par générosité ou par charité, mais toujours arrachées de haute lutte.

 

Mohamed Belaali

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(1)https://www.restosducoeu

r.org/chiffres-cles/

(2)https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/precarite-alimentaire-nous-n-avons-jamais-connu-une-telle-situation-s-alarme-le-president-des-restos-du-coeur_5482797.html

(3)https://www.fondation-abbe-pierre.fr/sites/default/files/reml_2022_cahier_2_web_-bilan_2017-2022_le_logement_parent_pauvre_du_quinquennat.pdf

 

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